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Auteur | Le mythe du héros |
Zero Membre confirmé
Nous a rejoints le : 12 Mars 2006 Messages : 4 713 Réside à : Ailleurs |
Je connais assez bien l'Iliade et je ne partage que moyennement vos jugements sur Achille.
Effectivement, Achille n'est pas un héros pur à la Galaad. Ça c'est la vision qu'en ont ceux qui n'ont jamais lu l'œuvre, vision nourrie par les contes pour enfants (la traduction versifiée, édulcorée et christianisée d'Houdar de la Motte, en 1714, y est pour beaucoup). Néanmoins, considérer ses aspects "bas" comme les facettes d'un héros sombre, c'est aussi tomber dans une lecture christianisée d'un livre qui n'a pas cette aune. 1 - Le héros achéen Achille est un héros. La seule définition qu'on peut en donner, c'est qu'il est "plus que". Ainsi, il est plus que nous, il est plus fort dans le combat, plus magnanime quand il l'est, plus sensible (par trois fois il pleure au long des 51 jours que dure l'Iliade), plus irritable, plus rancunier et plus prompt au pardon à la fois. Le héros grec n'est pas un "modèle" comme le sont nos héros chrétiens. Achille combat pour sa gloire. On le lui reproche beaucoup. Pourtant il importe de reconsidérer deux choses : Point de tout cela chez les grecs ! Tout nous est expliqué par Sarpédon au chant XII. Les Grecs n'ont pas d'espérance après la mort (cf l'Odyssée, cette fois) donc le bonheur consiste à avoir une chouette vie terrestre, pourvue en victuailles de bouches et autres (le bonheur des dieux est exactement celui-là). Pour ça il faut la mériter, il faut la gloire, il faut combattre. Oui, c'est aussi bassement pragmatique que ça. Hector, effectivement, combat pour sa ville et sa communauté. Ça ne l'empêche pas d'être aussi humain que les autres : il insulte son frère (chant VI), n'écoute pas les conseils prudents de Polydamas (chant VIII) et ne tue Patrocle qu'une fois que celui-ci a été sérieusement blessé par les dieux, en l'attaquant dans le dos (chant XVI) 2 - La colère d'Achille La "colère d'Achille" est l'objet même du poème, il est donc aberrant de considérer que le héros de l'Iliade est Hector et non Achille (même si, effectivement, le poème s'achève sur les funérailles d'Hector, mais sinon les premiers vers indiquent l'objet, et toute l'œuvre tourne autour du fils de Thétis, pas d'Hector). Mais cette colère n'est pas la manifestation d'un simple caprice, et si Achille reste souvent bassement humain, ce n'est pas par sa colère qu'on peut le considérer comme un héros sombre. Quelle en est la cause ? si j'en crois lambertine, c'est parce qu'Agamemnon lui a ravit sa captive et qu'il est vexé d'avoir perdu son butin. Je crois que c'est un peu court, jeune homme, et qu'on pourrait dire en somme bien d'autres choses. Si Achille regrettait simplement son butin, pourquoi rejette-t-il l'ambassade et l'offre de réconciliation d'Agamemnon qui lui promet monts et merveilles (chant IX) ? On pourrait dire que c'est à ce moment que le Péléide tombe lui-même dans l'hybris, la démesure... et dans l'orgueil. C'est une interprétation possible. Une autre interprétation est de comprendre que le rapt d'Agamemnon au chant I était une forme suprême d'injustice. Tout travail mérite salaire et tout salaire se mérite. Agamemnon s'octroie Briséis sans la mériter, en abusant d'un pouvoir qu'il ne légitime même pas par le combat ! face à l'ordre ancien des tyrans, la révolte d'Achille apparaît donc comme l'ordre nouveau des égaux ( n'oublions pas que l'Iliade est mise par écrit au milieu du Vè siècle a.C., balbutiements de la démocratie athénienne, sans doute commandée par Kimon, donc dans les années 450 aC). Un élément soutient mon avis : les dieux sont contre Agamemnon. Et les dieux, malgré leur non-exemplarité flagrante, indiquent (presque) toujours la justice. Achille, c'est pareil. Je pense que dans l'Iliade, Achille incarne le Droit. Les aspects vils de sa personnalité sont à trouver ailleurs, et ils sont souvent accompagnés de leur penchant généreux. Voyez le chant XXIV : Priam supplie Achille de lui rendre la dépouille d'Hector. Le premier réflexe d'Achille est d'inspecter le char de Priam pour évaluer la rançon qu'il apporte . C'est cupide et vénal. Quelques dizaines de vers plus loin, il fléchit généreusement en mémoire de son père : « souviens-toi de ton père » lui dit Priam pour le sensibiliser... A bien y regarder, les dieux ne sont pas mieux. Hérê est une sacrée catin au chant XIV De toutes façons, vous savez ce que disait sainte Jacqueline ( ) : Les œuvres classiques sont intemporelles et universelles parce qu'elles nous parlent de nous. Enfin, il convient aussi de rappeler qu'il n'y a pas que l'Iliade qui parle d'Achille. Bien d'autres textes nous rapportent des histoires sur ce personnages, certains perdus, d'autres conservés. Ils ne datent pas tous de la même époque, n'ont pas été écrits par le même gars, et même s'ils sont les manifestations d'une même tradition, la diversité des sources "biographies" est suffisamment importante pour ne pas restreindre Achille à l'Iliade. Ça ne répond pas directement à votre sujet, mais je tenais à apporter quelques précisions sur un personnage trop méconnu. |
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