Cet été, le scoutisme passe à lheure durable
Jusquà jeudi, 9 000 scouts de France, âgés de 14 à 17 ans, sont rassemblés à Cussac-Fort-Médoc en Gironde. Un événement très orienté autour des actions à mener pour protéger lenvironnement
Mission de surveillance des forêts avec les Pionniers, Caravelles et Compagnons (Scouts et Guides de France) de Marseille à Luminy, en juillet 2009. La protection de l'environnement s'inscrit dans les gène du scoutisme (photo Ciric).
«Aujourdhui, lÉtat, les médias, lécole nous parlent beaucoup denvironnement, mais, dans les faits, on ne voit pas grand-chose. Ici, en camp de scouts, à ?CitéCap", cest du concret », se réjouit Lisa, 17 ans, du groupe de Grenoble Saint-Jean.
Vivre dans la nature contraint ces jeunes chrétiens à prêter davantage attention à leurs actions. Pour Appoline, 16 ans, « cest une cure de désintoxication. Lorsque lon rentre à la maison, on a des scrupules à prendre un bain, à consommer 70 litres contre 10 en camp... On ferme même le robinet en se lavant les mains. » Lexpérience change leur perception des choses. Les Scouts de France nont pas besoin de tenir un discours particulier sur le respect de lenvironnement. « Tout se fait naturellement, le tri des déchets, lutilisation du bois mort pour fabriquer les tables... », observe Douceline, cheftaine de ce camp.
Dailleurs, selon cette jeune femme de 22 ans, « la jeune génération est encore plus écologiste que la précédente. Ils nhésitent pas à prendre des initiatives. » Ainsi, lundi 26 juillet, ils ont eu lidée de rejoindre le rassemblement des Scouts de France à Cussac-Fort-Médoc, à trois kilomètres, habillés en tenue de ski ou avec des palmes pour sensibiliser lopinion publique au réchauffement climatique.
"Trop catastrophique, trop moralisateur"
Ces jeunes chrétiens veulent être acteurs du changement. Le respect de lenvironnement est lun des piliers de laction des Scouts de France. Toute lannée, ils participent à des projets. « Récemment, nous avons aidé à la construction dun mur ?écologique" dans le village gaulois de Pleumeur-Bodou, en Bretagne, où les crapauds et les oiseaux ont des espaces dédiés pour faire leur nid », dit fièrement Lisa.
Des valeurs, une philosophie de vie que ces jeunes souhaitent véhiculer. « Au lycée, je parle à mes amis de nos actions citoyennes, de nos valeurs, de notre envie de faire respecter la nature. Et certains mont rejoint chez les scouts », se félicite Camille, 16 ans. « Jai aussi amené mes parents à investir dans des panneaux solaires et dans une pompe à chaleur », ajoute-t-elle.
Si ces adolescents militent autant auprès de leurs proches, cest aussi parce que le discours actuel des environnementalistes ne leur paraît pas pertinent. « Il est trop catastrophique, trop choquant, trop moralisateur », estime Benjamin, 15 ans. « Maintenant, il faut arrêter de parler et agir. Lécologie, ce nest pas de la théorie, mais de la pratique », enchaîne Olivier, 17 ans.
800 projets en un an
Leur rêve est de voir émerger dans quelques années des villes écologiques, avec des habitats fonctionnant à lénergie solaire un peu partout en France et dans le monde. Pour que ce rêve devienne réalité, de nombreux scouts se sont déjà engagés, dans leurs lettres de projets, à installer des bacs à compost dans leurs villes, à ne se déplacer quavec des transports « doux » (vélo, tramway...).
Au cours de lannée écoulée, leurs initiatives ont permis de belles avancées. Par exemple, à Marmande, en Lot-et-Garonne, certains ont créé un atelier de recyclage de vélos, tandis que dautres jeunes du Nord-Pas-de-Calais ont conçu un char à voile spécial pour nettoyer les plages. Au total, en un an les Scouts de France ont réalisé 800 projets.
Ces projets sinscrivent dans un programme plus global mis en place en 2004 : « Habiter autrement la planète ». « Nous réapprenons la sobriété. Dieu nous a donné cette terre et notre système économique nous a conduits à des excès », lance Antoine Dulin, responsable national des 14-17 ans aux Scouts de France. « Chaque jour, un scout consomme trois fois moins dénergie quun citoyen français », rappelle-t-il. Afin de montrer lexemple, les Scouts et Guides de France tissent aujourdhui des partenariats avec des producteurs locaux. De même, il a été demandé aux jeunes de venir au rassemblement CitéCap, à Cussac-Fort-Médoc, en transport non polluant (vélo, canoë-kayak, bateau, train...).
Donner des « clés de compréhension »
En outre, pour donner des « clés de compréhension » à ces jeunes, mercredi et jeudi 28-29 juillet, deux journées « nature » sont organisées. Lidée est de leur faire découvrir les écosystèmes de la région avec 200 intervenants professionnels, des sylviculteurs, des agriculteurs, des associations (Surfrider, Ligue pour la protection des oiseaux, Conservatoire du littoral...). « Nous avons un savoir-vivre dans la nature et nous voulons aller plus loin dans la connaissance », explique Antoine Dulin, directeur du rassemblement.
Comment donner à cet engagement écologique un enracinement religieux ? La question fait débat parmi les scouts. « La foi, cest personnel, lécologie, cest un problème de société », répond Lisa. Mais, « cest parce que lon est chrétien que lon est scout », objecte Magali. « La religion peut aider une personne à respecter la planète », enchaîne, Étienne, 14 ans. « Ma foi a grandi en vivant dans la nature. La simplicité dune messe en plein air peut déclencher des choses. Les deux salimentent », confirme Antoine Dulin.
« Mais, à cet âge-là, ils ne font pas toujours le rapprochement entre la foi et leurs engagements écologiques », ajoute-t-il. Peut-être aussi parce que « lÉglise ne se réapproprie que maintenant ce terrain », avance-t il. Symboliquement, le ministre de lécologie, Jean-Louis Borloo, sera présent vendredi. Il recevra un texte sur lenvironnement écrit par 120 représentants des Scouts de France, porteurs de la parole du groupe sur le sujet. À lui de ne pas décevoir ces 9 000 jeunes qui espèrent que leur réflexion ne restera pas lettre morte